Selon les interprétations élaborées du terme yamabushi dans les textes shugendō, ce terme, qui désigne à la fois des êtres ordinaires et des ascètes dotés de « pouvoirs » extraordinaires — des êtres plongés dans l'ignorance et des Buddhas —, résumerait l'itinéraire ascétique qui débouche sur la « bouddhéité en ce corps même ». L'étymologie du caractère bushi 伏, en particulier, le présente comme composé de deux unités sémantiques — « homme » (入) et « chien » (犬). Cette interprétation du yamabushi comme un être ontologiquement ambigu, relevant de deux natures, animale et humaine, va de pair avec une certaine marginalité sociale. Divers documents relatifs à la structure de la société japonaise, datant de l'époque médiévale et de l'époque d'Edo, attribuent aux yamabushi un statut intermédiaire entre l'élite constituée par le clergé officiel et les classes inférieures dont relevaient les artisans et les spécialistes religieux populaires. En outre, les artisans et les professionnels associés aux yamabushi, par exemple les marchands itinérants, appartenaient aux couches sociales discriminées et recevaient souvent des noms posthumes infamants. Par ailleurs, les récits folkloriques associent souvent les yamabushi aux mythiques tengu, renforçant ainsi leur ambiguïté ontologique. L'auteur examine l'image que les yamabushi avaient d'eux-mêmes, telle qu'elle s'exprime notamment dans les multiples etymologies ambivalentes de leur nom, et il y voit les linéaments d'un discours prémoderne concernant la part du non-humain dans le statut ontologique des êtres humains. Après avoir replacé la notion de non-humain dans le contexte de la sotériologie bouddhique, il situe les yamabushi dans un contexte plus large, à savoir la catégorie hétérogène des groupes sociaux se réclamant d'une relation directe avec le non-humain, notamment les onmyōji (avec la figure d'Abe no Seimei) et les hinin ou kawaramono. Ces groupes, en faisant remonter leurs origines à un ancêtre non-humain, étaient parvenus à se doter d'un statut et d'un rôle spéciaux. Leur rôle social consistait en une médiation entre divers autres groupes (la noblesse et le peuple, le bouddhisme traditionnel et les nouvelles organisations bouddhiques, les professions séculières et les spécialistes religieux). De la même façon, le caractère liminal des yamabushi s'accorde avec leur ontologie ambiguë. En tant que médiateurs symboliques entre diverses catégories sociales, ils fournissent un indice particulièrement important pour comprendre le système statutaire de la société japonaise prémoderne.
目次
Yamabushi Normative Self-Understanding 124 "Non-Human" components in human beings 127 pre-modern social groups and their hierarchy 132 conclusion 136