Définir le shugendō relève de la gageure, et la référence obligée aux « cultes des montagnes » manque pour le moins de précision : les montagnes jouent également un rôle religieux important en dehors du shugendō, et tous les pratiquants de la montagne ne sont pas des shugenja, tant s'en faut. Par ailleurs, les termes mêmes de la définition ont considérablement évolué au fil du temps, et il est problématique de mesurer le shugendō contemporain à l'aune de ses formes antérieures. S'il importe de comprendre le shugendô dans ses divers contextes historiques et géographiques, il faut également saisir sa signification pour les pratiquants contemporains. La dissolution du shugendô à l'ère Meiji fut un moment marquant dans l'histoire moderne de la tradition, et le besoin de compenser cette rupture engendra une tradition en état constant de réinvention. Ceci est particulièrement vrai pour ce qui concerne les éléments que les adeptes perçoivent comme critiques pour l'identité du shugendō contemporain. Cet article s'attache à souligner certains aspects cruciaux de l'identité contemporaine du shugendō. Il se fonde sur l'étude de deux cas particuliers : celui du shugendô de Nikkō (dans la préfecture de Tochigi), une institution ancienne et puissante centrée sur le Rinnōji ; et celui du shugendō de Koshikidake, restauré en 2005 par un descendant du dernier prêtre d'un temple de la lignée du Tōzan, le Kannonji (situé au pied du Koshikidake, dans la préfecture de Yamagata). Les formes institutionnelles d'avant l'ère Meiji ne peuvent être reconstruites dans aucun de ces deux cas, et pour ce qui est de définir la pratique elle-même, ses éléments les plus importants pour les pratiquants contemporains sont conditionnés par la conscience de la perte des traditions écrites et orales. Dans les deux cas, les préoccupations identitaires débouchent sur un retour à la culture combinatoire du shinbutsu shugō et sur la restauration des pratiques rituelles traditionnelles. L'auteur classe les éléments identitaires du shugendō en trois rubrique : idéologique, pratique (ou organisationnelle) et « téléologique ». La nécessité de restaurer le rite de l'entrée automnale en montagne (Akinomine) comme l'un des temps forts de la pratique rituelle constitue le noyau de l'identité idéologique. L'accent placé sur la notion de participation à une communauté religieuse, l'utilisation de l'Internet comme moyen de communication entre les membres, l'interaction entre pratique ascétique et travail quotidien, et la création d'une religiosité privée définissent les grands traits de l'identité pratique. Enfin, le concept de purification au contact de la nature, l'obtention de bénéfices d'ordre mondain (genze riyaku) et le culte domestique des ancêtres (senzo kuyō), constituent la base de l'identité téléologique des nouveaux groupes shugen. Le shugendō contemporain se définit comme médiateur entre le sacré et le profane, donnant ainsi à ses membres la possibilité dé jouer un rôle actif au sein d'une tradition religieuse profondément ancrée dans la vie quotidienne.
目次
the historical background 49 Nikko Shugendo 49 Koshikidake Shugendo 54 patterns of revival: instigators 55 Nikko Shugendo 55 Koshikidake Shugendo 58 motivations of instigators 59 patterns of revival: practitioners and supporters 60 Nikko Shugendo 60 Koshikidake Shugendo 62 motivations and prior awareness of Shugendo 63 the revival of ritual practices 64 mountain-entry practices 65 other rites and activities 69 conclusion 71